lundi 26 janvier 2009

LE BIO-REACTEUR TECHNIQUE

" Le déchet le plus facile à éliminer est celui que l'on n'a pas produit. "

Le "bio-réacteur technique": de mal en pis ! Afin de pallier au problème de la production des lixiviats et du coût élevé de leur traitement, une idée géniale consiste à les réinjecter directement dans la masse des déchets! L'apport constant d'humidité ainsi réalisé (toutefois après traitement pour en éliminer l'ammoniaque) accélère le processus de fermentation et de bio-dégradation. Plus encore, cette décomposition accélérée provoque un tassement naturel supplémentaire des déchets, ce qui réduit leur volume et permet d'en rajouter autant par dessus pour augmenter la capacité de l'exploitation. Par ailleurs, le volume des lixiviats est sensiblement diminué, puisque une plus grande fraction de leur eau est consommée par l'excès de bactéries. Un tel traitement"biologique" et "in situ" des lixiviats, si écologique et économique, semble assurément convaincant.
Mais lorsqu'on passe du laboratoire à la pratique sur le terrain, les choses prennent une tournure assez différente. Premièrement, les matériaux fermentescibles concernés par ce processus ne constituent généralement que la moitié de la masse des déchets. L'autre moitié (plastiques, emballages, métaux lourds, détritus de l'industrie classés "banals", boues d'épurations, mâchefers et autres composés inertes, etc.) ne se décomposent que très lentement, quelquefois sur une échelle centenaire voire millénaire. Leur mélange avec les fermentescibles est tout sauf homogène. Il se produit alors un phénomène dit de "dégradation hétérogène" où des zones de dégradation importantes se forment à côté de zones inertes (de dégradation lente), causant des effondrements en volume et en surface. Ces effondrements, tout à fait incontrôlables ou imprévisibles, endommagent voirent rendent irrémédiablement inopérants les systèmes de captage des biogaz et des lixiviats. Mais les mauvaises nouvelles ne s'arrêtent pas là.
Du fait de la décomposition accélérée de la matière organique, la production des biogaz est plus importante qu'un CET classique sur la même période de temps (il faut y voir non une augmentation du volume total des biogaz sur le temps de vie d'un CET, mais une accélération du processus de formation). Comme le rendement de captage des biogaz est très loin d'être idéal (cf. paragraphe ci-dessus), à rendement de captage égal correspond un volume de biogaz s'échappant dans l'atmosphère plus important en valeur absolue, et donc d'une toxicité plus élevée. De plus, leur teneur en méthane est supérieure à celle des biogaz d'un CET classique, ce qui les rend encore plus (spontanément ou accidentellement) inflammables et explosifs. Enfin si on augmente le tonnage du site en proportion du tassement des déchets, le volume total des biogaz généré par le bio-réacteur est bien entendu supérieur à celui d'un CET classique, d'où augmentation de l'effet de serre. Autant pour l'aspect écologique de la solution ! A noter que les notions de "début" et "fin" de l'exploitation n'ont ici plus de sens, puisque c'est le principe d'un "réacteur" de tourner à plein tant qu'on l'alimente: cela veut finalement dire qu'il y aura toujours plus de biogaz quelque soit le moment considéré (début ou fin), et donc que le bio-réacteur pollue bien davantage en biogaz que le CET classique..
La dernière mauvaise nouvelle concerne la toxicité et le volume des lixiviats. Puisque on permet à ceux-ci de percoler à loisir dans la masse des déchets, leur concentration en métaux lourds, acides et polluants organiques augmente considérablement. Puisqu'ils ne sont pas éliminés du site, leur volume stabilisé, tel qu'il imprègne la masse des déchets comme une gigantesque éponge, est plus grand que celui d'un CET classique. Si le danger de fuite des lixiviats vers la nappe phréatique, à travers la double "protection" (notament par attaque chimique agressive) est à prendre très au sérieux, alors la pollution en résultant (par rapport au cas d'un CET classique) sera d'autant plus volumineuse, plus grave, et plus difficile à traiter, tout comme ses conséquences épidémiologiques.. Dans le cas favorable où aucune fuite ne serait effectivement "constatée" pendant la durée d'exploitation du bio-réacteur, ces lixiviats de cru millésimé resteraient perpétuellement confinés dans la masse des déchets à décomposition lente. Les études en laboratoire montrent que leur contact prolongé avec ceux-ci produit à terme des sulfides métalliques de nature stable, du moins tant qu'il n'y a pas contact avec l'oxygène. Que des générations futures décident de dépolluer un bio-réacteur abandonné par ses heureux anciens propriétaires, ces polluants retrouveront tout leur caractère actif, et il faudra bien alors les traiter (merci pour eux). Il faut donc voir dans la solution du "bio-réacteur" (semble-t-il très tendance) une façon de perpétuer le principe de l'enfouissement massif et d'en aggraver aveuglément les risques, avec pour argument de fond une logique de rendement économique poussé à son paroxysme. Nous connaissions déjà la fraude intellectuelle faisant passer les CET (stockage perpétuel, toutes ordures confondues) comme une façon avant-gardiste de "traiter" les déchets, avec ses petits plus valorisants. Avec le bio-réacteur, nous franchissons une étape supplémentaire dans l'illusion-manipulation écolâtre, sur arrière-fond de profit immédiat maximisé, sans avantage aucun ni prime de risque pour les cobayes humains du présent. Pour nos petits-enfants, cette approche caractérisée par la myopie scientifique la plus excécrable, leur confère implicitement un digne statut de bénévoles dans le futur et incontournable problème de dépollution de ces CET "enrichis" (ou non) que cette génération leur aura honteusement léguée.

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